Pour une fiscalité égalitaire

Cesla Amarelle En 1984, le Tribunal fédéral avait jeté un pavé dans la mare à propos des inégalités fiscales entre couples mariés et couples vivant en concubinage en demandant aux autorités fédérales d’apporter une solution moderne et complète comme il en existe depuis longtemps dans de nombreux pays européens. Trente ans après, force est de constater que la plupart des couples mariés ne se trouvent plus réellement désavantagés fiscalement. En fait, les inéquités ne touchent aujourd’hui plus que 2.5% des ménages. Pour l’essentiel, 80’000 couples à hauts revenus. Dans ce contexte, l’initiative du PDC offre un cadeau fiscal coûtant jusqu’à 2,3 milliards de francs à ces ménages aisés.

Le réel enjeu de la votation du 28 février prochain n’était dès lors pas de supprimer les cas de pénalisation du mariage devenus rares. L’initiative du PDC avait en réalité pour but essentiel de bloquer le Parlement à l’avenir de procéder à des avancées notoires dans le domaine de l’imposition individuelle. Une direction que la Commission des finances du Conseil national appelle de ses vœux puisque le 29 janvier passé elle a encore confirmé sa volonté d’introduire le plus rapidement possible ce modèle d’imposition par l’adoption d’une motion adressée au Conseil fédéral.

 

Equité fiscale et pacification de l’imposition des familles

L’imposition individuelle est un système d’imposition indépendant de l’état civil. La fiscalité doit s’adapter aux évolutions sociétales qu’on connaît aujourd’hui en Suisse et qui se traduisent par des formes de ménages nouvelles et de plus en plus changeantes.

 

Le mode de vie des ménages a profondément évolué au cours de ces quarante dernières années. La famille « néo-traditionnelle », c’est-à-dire la forme la plus répandue de ménage familial, est celle de deux parents qui travaillent (l’homme à plein temps et la femme à temps partiel). Neuf personnes sur dix aujourd’hui en Suisse composent des ménages qui ne correspondent plus à l’ancien modèle traditionnel où seul l’homme travaille. Dès lors, l’imposition commune est devenue trop obsolète. Pour que l’imposition soit désormais neutre, il faut mettre un terme aux éternelles tentatives de corrections et de rééquilibrage concernant la répartition des charges entre les types de ménages différents mais qui jouissent d’une même capacité contributive. En ce sens, il faut rappeler que ce n’est pas pour rien que les pays qui l’ont introduit (Autriche, Espagne, Grande Bretagne, Suède) disposent aujourd’hui d’une situation pacifiée dans le domaine de l’imposition des ménages, contrairement à nous. Ce modèle d’imposition est d’ailleurs en parfaite cohérence avec la politique familiale et ses trois piliers et avec la réforme sur le droit d’entretien.

 

Impact économique et modèle incitatif pour les femmes

L’autre enjeu de ce modèle de fiscalité est celui de l’incitation du travail des femmes. L’imposition individuelle est le système fiscal qui possède l’effet de croissance le plus important parce qu’il est celui qui incite le plus le second contributeur de revenu (en général, des femmes) à participer pleinement à la vie active. Ces effets favorables sur la croissance ont été récemment estimés par l’administration fédérale à environ 50’000 emplois à plein temps. Ce modèle fortement incitatif est de loin le plus efficace par rapport au système d’imposition commune à forte progressivité du taux de taxation.

 

Au lieu d’empoigner les vrais enjeux de la fiscalité des familles afin de parvenir à un accord sur l’imposition individuelle entre les grands partis du centre, le PDC s’enfonce dans un débat obsolète autour de la pénalisation des couples à hauts revenus. Pourtant, ce débat est essentiel pour l’égalité économique des femmes.

Cesla Amarelle